“En innu, le mot littérature n’existe pas, il faut utiliser plusieurs mots innus pour traduire la définition française du mot” nous précise Myriam St-Gelais dans son livre Une histoire de la littérature innue. La culture innue est d’abord celle de l’oralité. Mais depuis le début du 21e siècle, la place prépondérante de la langue a peu à peu laissé place à l’écriture et à l’émergence d’un grand nombre d’auteur‧ices, dont la majorité sont des femmes. Elles écrivent des romans et de la poésie, en innue et en français, pour raconter leur monde oublié et transmettre la richesse de leur patrimoine. Des autrices et poétesses dont la place est aujourd’hui notable sur la scène québécoise et internationale.
Les Midis de la poésie et la Monnaie les mettent à l’honneur, dans le cadre de la 3e édition du Poetik Bazar (du 22 au 24 septembre 2023), et accueillent deux d’entre elles : Rita Mestokosho et Maya Cousineau Mollen. La journaliste Geneviève Simon sera également présente pour mener l'entretien.
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Née en 1968 à Mingan, village de la Côte-Nord, Rita Mestokosho (à gauche sur la photo) est une poète innue. Partageant les valeurs innues à son rythme, la poésie est le langage du cœur, la voix des êtres vivants du ciel, de l’eau et de la terre. Protectrice, militante et activiste, elle est la première Innue à avoir publié de la poésie. Son recueil Eshi Uapataman Nukum / Comment je perçois la vie, grand-mère (Éditions Piekuakami) paraît en 1995. Après ses études à l'université en politique, elle est retournée à son village d’origine Mingan pour travailler dans le domaine de l'éducation puis, à la demande des femmes du village, elle est devenue conseillère au Conseil des Innus d’Ekuanitshit. Elle vit dans la communauté Mingan où elle défend ardemment la vie de son peuple.
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Je veux vivre en Innue
aussi fort que le torrent
aussi haut que la falaise
je suis née innue
je vais mourir en Innue
et même dans l’autre monde
je rêverai en Innue
Extrait de Atiku Utei, Le Coeur du Caribou, 2022
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D’origine innu de la communauté d’Ekuanitshit, Maya Cousineau Mollen (à droite sur la photo) écrit de la poésie depuis l’âge de quatorze ans. Elle œuvre au sein des communautés des Premières Nations depuis plus de vingt-cinq ans et est présentement chargée de projet en relations avec les Premiers Peuples pour Bibliothèque et Archives nationales du Québec. En 2019, elle publie son premier recueil de poésie, Bréviaire du matricule 082, qui remporte le Prix Voix Autochtones du Canada. Son deuxième recueil, Enfants du lichen, paraît en 2022 et obtient plusieurs distinctions, notamment le Prix du Gouverneur général, catégorie poésie. Elle est d’ailleurs la première femme autochtone francophone à remporter ce prix.
© photo de Christine Hamel
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Les magiciennes
Parlent la langue perdue
Celle des terres oubliées
Elles comprennent le ciel
Les chants des étoiles
Les murmures du lichen
Le caribou est calme près de toi
Fée des Innuat ensauvagés
On ne peut que te nommer
Utshimashkuau
Extrait de Enfants du lichen, 2022